Bettina’s Lecture from the Colloquia in Saumur

(To translate to English, try Google’s free translation tool at https://translate.google.com/)

Les héritiers de la filière française

aux USA 

 Bettina Drummond

        Avant d’exposer l’influence de l’équitation française aux Etats-Unis, il faut dire un mot de la chronologie de l’arrivée des chevaux sur ce continent et des premières empreintes du style latin. Nous avons dû attendre la découverte du Nouveau Monde où l’arrivée des chevaux a été tardive car les premiers fossiles ne datent seulement que de dix mille ans,  nous montrant des petits chevaux trapus et très bien adaptés au terrain rugueux des États-Unis, c’est la souche originelle des mustangs. Mais ce sont des chevaux apprivoisés par les Indiens mille ans avant Jésus-Christ, donc il n’y a pas de véritables chevaux « sauvages » aux États-Unis, c’est un mythe et c’est bien sûr l’exploration du conquérant

Cortés en 1519 qui amène des chevaux bien entraînés en provenance d’Europe. Mais c’est Soto et Navarrés en 1527 qui en Floride nous montrent la première bataille contre les Indiens où ils sont décimés à tel point que pendant des centaines d’années le bruit court tout le long de la côte Est des États-Unis qu’il y a un véritable cimetière d’os blanchis de chevaux sur la plage de Floride. Et c’est Coronado qui en 1540 amène près de 300 chevaux.  Ces Genets espagnols étaient de souche Estramadura et dressés selon les mêmes principes que ceux de Grisoni, donc en soumission totale à la main et au mors de bride. Il les emmena en Quiréna, ce qui serait maintenant l’état du Kansas, pour subjuguer les Indiens de cette région.             

Quoiqu’impressionnés par les chevaux, les Indiens ont tout de même décimé leurs forces, donc ça n’a pas donné le résultat souhaité ! Mais, par contre, en les multipliant pendant 40 ans et en les incorporant à un rythme de reproduction naturelle dans les troupeaux de chevaux indiens, nous voyons la souche génétique des mustangs se créer. Pendant ce temps, en 1537 au Mexique, le point de chute des envahisseurs, une association de fermiers de bétail se forme : appelés la Mesta, ils inscrivent une charte qui définit le style de cheval et d’équitation qui leur est adapté pour leurs épopée à travers le Texas et le Baja californien. C’est le premier guide pratique de l’équitation sud-américaine qui va créer une méthode d’entraînement pour rendre les chevaux propres à parcourir les grandes étendues des plaines américaines. Cette méthode doit rendre les chevaux extrêmement courageux pour le passage des eaux, rapides, agiles sur des terrains très rudes et surtout maniables légèrement dans desconditions de stress physique sur de longues distances. Ce style de cheval doit passer d’un cheval fort de dos et facile à manier pour le combat à un style de cheval plaçant ses sabots soigneusement et surtout confortable pour être monté des heures de suite. C’est le style espagnol de la Jineta, entraînement qui permet de mettre agilité et vitesse sur ce type de chevaux et qui ouvre une porte de vive intelligence dans leur esprit, donc un style d’entraînement complètement opposé à celui de Grisoni.

Les vaqueros développent une méthode adaptée à leur travail et aussi à leurs relations avec les chevaux. La vie commune tourne autour des jeux, comme se pendre à la queue des chevaux ou essayer de les amener vers l’arrêt et les mettre gentiment au sol… J’imagine que pas mal de tequila fut incluse lors de ces jeux du dimanche! 

C’est en 1580 que le premier ouvrage érudit sur la Jineta et la bride apparaît sur notre continent, Juan de Peralta offre des conseils basés sur l’emploi d’un pilier où l’on attache le cheval sur la gammilla, appelé de nos jours bosal ou avec la Jaquima qui est notre hackamore actuel. En 1670, dans le sud-ouest des États-Unis, Juan de Orente et ses colons arrivent avec 800 chevaux espagnols et des barbes d’Amérique du Sud.

Pendant ce temps, sur la côte Est, les colons anglais nous apportent le cheval breton à travers Boston et Montréal et en 1680 le Genet anglais, le English hobby : des races pratiques pour le travail et le transport du matériel sur de petites distances.Cette même année, les colons français  nous apportent des anglo-arabes, qui, croisés avec l’ambleur espagnol, devient la souche  des origines de nos chevaux américains « Saddle Seat », des chevaux très confortables mais vifs qui sont encore appelé de nos jours la « limousine des plantations ».

Donc c’est à partir de 1870 que les prototypes de chevaux franco-anglais commencent à prendre le dessus sur les chevaux de race espagnole, ce qui nécessite différents systèmes d’entraînement pour ces chevaux plus légers, vifs avec le réflexe pour courir. Entre-temps, dans le sud, les chevaux espagnols restent tout de même l’arme la plus efficace comme prouvé pendant la rébellion de la ville de Tabasco (et, oui, c’est cette guerre qui nous a donné l’appellation de la sauce pimentée tabasco). Et, en 1850, la pratique de porter une lance, du Mexique au Texas, pour protéger le bétail des maraudeurs indiens. Au cours de ces années commence l’habitude, pour entraîner les chevaux des éleveurs, de payer des hommes de la classe « mestizo », des cavaliers métis très pauvres et non éduqués. Mais il n’y a pas d’écrits sur leur pratique car elle est passée, de génération en génération, par l’exemple, le geste et l’apprentissage. Une tradition orale et gestuelle qui continue de nos jours à travers celle des cowboys. 

Pendant cette époque transitionnelle, deux styles existent, celui d’ Estradiol qui conserve l’emploi du caveçon, quatre rênes et un mors de bride et celui du vaquero qui préconise le mors simple et trois rênes, ainsi que le mors « spade » qui agit sur la base de l’encolure, puis sur le point le plus haut de l’encolure, puis sur les barres, puis sur le palais.  Cette tradition parle pour la première fois du tact sur le contact, prescrivant que l’idéal doit être la main du cavalier en lien direct avec le palais. Donc la première révélation de la main fine nous vient des métis mexicains dans leur adaptation du style espagnol car la légèreté est devenue pratique pour leur travail à cheval ! Cette tradition est celle qui est transmise de bouche à oreille vers les cowboys du nord-ouest, en terminant par les talentueux frères Dorrance. 
Le savoir inné de ces cavaliers passe inaperçu ailleurs qu’aux États-Unis car les Européens ont confondu analphabétisme et ignorance, cette tradition des métis étant vue comme un manque d’éducation car n’offrant pas d’écrit. 

C’est en 1719, avec la conquête du Texas et le marquis de San-Miguel, qui arrive avec 5600 chevaux, que l’on peut lire le rapport du premier Français, Pierre de Pages qui critique sévèrement ces cavaliers mexicains ayant la charge de garder cette nouvelle frontière. Nous voyons l’influence française pour la première fois aux USA et je trouve fort amusant que c’est déjà en critique que se déclare cette influence ! 

Il dénonce ces cavaliers « d’espèce non définie » et se moque de leur harnachement décoratif, surtout les motifs colorés de fleurs ainsi que les grands éperons à molette et les étriers d’argent pesant 30 livres chacun. Le look de ces soldats ne lui plaît pas du tout mais il doit tout de même avouer que ces cavaliers mexicains moitié sauvages et de style extravagant sont d’excellents cavaliers avec une assiette prête à tout.

En 1770, juste avant notre révolution, le marché du bétail se divise : dans l’Ouest, les Espagnols le considère légal mais il est illégal dans l’Est à cause des terres de Louisiane qui appartiennent à la France. En 1780, les buckeroos (vachers américains), à cause de la guerre qui reprend le Texas aux Mexicains, ont nettement moins de terre ouverte accessible pour leur bétail, il ne leur reste que 800 000 miles carrés (plus d’un million trois cents mille kilomètres carrés tout de même !). Mais, pendant ce temps, l’influence du sport anglais se manifeste en Virginie et surtout dans la vie d’un certain officier nommé George Washington qui préconise cette nouvelle équitation anglaise très sportive et très physique. Il réussit à retenir les forces françaises sur la vallée de l’Ohio, Il rejoint Fort Le Bœuf et refuse de leur céder son territoire. Il mène ses troupes indiennes et tue Monsieur de Jumonville. Il est connu pour son style très agressif dans le combat à cheval et pour l’emploi fréquent de la levade dans chaque bataille. Bien sûr après le conflit contre le roi anglais, il a virevolté dans ses amitiés et été très aidé par la flottille française, notamment par le comte de Rochambeau.  On peut imaginer que leur premier dîner a dû commencer par être assez inconfortable ! 

En 1793, le Congrès crée les premier bataillons de Cavalerie, les Dragoons, et c’est le président Jefferson qui, en 1803, amène des chevaux dressés du Texas pour explorer les terres des Rocky Mountains. Cette souche est très prisée de nos jours par les cowboys ranchers car ils ont un dos très fort, ils ont des têtes busquées et sont généralement roanne, bleu ou rose, avec un caractère qui supporte toutes les intempéries. En 1832, le Congrès établit les premiers forts et commissionne des régiments pour s’attaquer au problème indien et crée notre véritable cavalerie américaine. C’est aussi un régiment pour contrer les bandits mexicains au Texas, la plupart de ces officiers deviennent de très bons cavaliers et sont les élites des armées de la guerre civile. Plus de chevaux furent tués dans la guerre des Indiens que dans la guerre contre les Espagnols en 1898.

Ce sont maintenant les commandants des forts qui ont la charge de la remonte pour la cavalerie américaine. Elle commence à évoluer, avec un programme très poussé d’élevage et des buts précis pour la guerre contre les Indiens. Donc il faut des chevaux capables de galoper pendant de longues périodes et capables de reprendre leur souffle très rapidement, avec une énergie assez rustique aussi pour pouvoir vivre avec les soldats en manœuvre. A l’extérieur, en 1908, les forts américains doivent commencer une énorme expansion de leur programme d’élevage à cause de la grande perte de chevaux : dans la seule guerre civile 650 000chevaux sont morts, dont 40 000 dans les huit premiers mois.

Et c’est là que nous voyons les deux différentes souches d’élevage: d’un côté les chevaux de course sur le plat avec le développement du sport équestre, de sang anglais et français, et de l’autre les souches mélangées des mustangs et des races espagnoles.

À partir de 1926, les forts américains ont 160 étalons reproducteurs de deux styles très différents, comme par exemple l’étalon qui a gagné le Kentucky Derby en 1898, King Plaudit, un pur-sang très longiligne et son fils Plaudit qui est l’étalon fondateur de la race Palomino qui n’a pas du tout le même style : il est court de dos, très trapu avec beaucoup d’os. Les officiers, étant donné qu’ils étaient férus de sport, préfèrent les chevaux très longs de jambes avec l’encolure haut greffée, tel le cheval Nebo, tandis que la garnison préfère les petiots courts de jambes,  confortables à gérer et à manier comme Tim McGee. 
La cavalerie américaine a deux formes d’entraînement très spécifiques basés sur les capacités de ces deux styles de chevaux. Pour les officiers, il commence avec le manuel de la cavalerie française qui amène à Fort Riley les principes de l’assouplissement latéral, l’endurance, l’équilibre pour sauter ainsi que le principe de bien les entretenir, de prendre le temps de mener à bien les poulains, de les débourrer avec modération et gentillesse. Tous ces principes sont clairement transmis de la cavalerie de Saumur au manuel d’entraînement de Fort Riley qui doit donc être un guide de dressage pratique et rester au niveau de basse école qui rend le cheval simplement apte à servir en extérieur. 

Certains des cavaliers officiers sont sélectionnés pour perfectionner ce style d’équitation française de Saumur, dont le premier cavalier américain, le capitaine Rowell, remporta la médaille d’argent en complet au jeux olympiques de Berlin sur Jenny Russell, jument issue de l’élevage militaire américain. La deuxième technique d’entraînement à Fort Riley est une méthode basée sur l’équitation vaquero car c’est à Fort Riley et Fort Nebo qu’il y a un groupe de buckaroos (cowboys wranglers) qui s’occupe de mettre les chevaux à un niveau d’éducation servant seulement à bouger les troupeaux de montures entre les forts à travers d’énormes distances, et à assurer le travail des éclaireurs (cela nous a aussi donné le fameux poney express, laposte équestre). Ils ont aussi la charge de l’éducation des célèbres mules de transport, les SUV de l’époque, qui doivent parcourir, assez chargées, des énormes distances. Elles sont connues pour leur courage en artillerie – mais aussi pour s’arrêter pile, en grève de travail après 50m si le débourrage est mal fait! La rébellion de ces mules était assurée avant même de placer une selle dessus et les officiers venaient observer les cowboys wranglers qui se relayaient en selle jusqu’à ce que les mules s’amadouent…

Une taquinerie gentille et un esprit de compétition entre officiers et cowboys crée les premiers jeux où l’on observe les sauts au-dessus d’une table, des courses à cru destinées à pousser le niveau des deux styles. C’est le départ du style américain qui combine le naturel de l’influence espagnole et l’exactitude française.  Et voici une troisième influence qui s’ajoute à Fort Riley, celle de Baucher ! L’élève expatrié de Faverot de Kerbrecht, Henri de Bussigny, va gagner sa vie comme instructeur à Fort Riley et il écrit un des premiers livres américains d’équitation. Son emploi des flexions et des jambettes a été tellement persuasif pour les buckaroos qu’il est toujours utilisé dans l’équitation western de nos jours, c’est du reste cette tradition qui a éduqué les frères Dorrance. 

C’est aussi le premier amalgalme de l’équitation de cavalerie avec les ajouts bauchéristes aux États Unis. Il faudra attendre l’arrivée du Maître Oliveira pour revoir cette greffe! C’est tellement probant qu’en 1982 je présente un étalon que j’avais travaillé sous la tutelle du Maître et la petite-fille de Bussigny m’interpelle, se présente et me dit « Je n’avais jamais vu une équitation qui me rappelle celle de mon grand-père avant aujourd’hui » 

Mais c’est lors de la deuxième guerre mondiale que les chevaux américains, et surtout les mules dressées, se vendent partout dans les cavaleries européennes. De plus, l’expansion des élevages ajoute des demi- sangs pour les ranchmen et à Fort Robinson des chevaux élevés en condition totalement naturelle. Les cowboys sont sommés d’être gentils et de ne travailler les poulains que  dans l’esprit de calme. Et voici l’influence française qui prend le dessus par l’intérêt porté à la psychologie du cheval.

A la fin de la guerre, le colonel Hamilton va sauver des souches allemandes et polonaises mais leur inclusion va devoir attendre 1953, quand le Jockey Club décide de permettre aux étalons de races étrangères d’être utilisées comme géniteurs. Ces souches vont créer une base pour le sport de complet et dans les 20 ans à suivre vont devenir les montures des cavaliers de Virginie, du Maryland et de New York qui seront les futurs élèves d’un certain coach, il s’agit bien sûr de Jack Le Goff ! 

Pendant ces années, les buckaroos ajoutent le courant bauchériste à leur équitation pour obtenir un contrôle plus moelleux, de l’équilibre sur les hanches, de la souplesse dans la base de l’encolure, et le placement individuel des sabots sous la masse du cheval. 

Ce style de travail fait déclarer à Patton que si nous avions eu en Tunisie et en Sicile un bataillon de ces cavaliers, nous n’aurions pas loupé un Allemand car le terrain difficile a retardé nos tanks. Retour sur la côte Est où le pur-sang allemand Nordlich et un étalon polonais, croisés avec les juments américaines, produisent King Raffles et Golden Seal, l’étalon qui devient la souche du sport « hunter seat » en Virginie (un retour sur les traces de George Washington !). Le grand architecte du style américain est sans aucune contestation un des derniers instructeurs de Fort Riley, Gordon Wright. Quoique le sport fut aussi influencé par le style italien Tor de Quinta , c’est l’influence française à travers Fort Riley qui percute les années 50 et 60. 

Gordon Wright fut un des cavaliers buckaroo instinctif, l’un des débourreurs à Fort Riley, et il accepte un coup de main éducatif pour sa carrière en obstacle. Et voilà une sorte « d’ombrelle Saumur » posée sur l’équitation naturelle des cavaliers cowboys passe-partout. Même George Morris (notre entraineur national couronné de succès pendant de nombreuses années) ne sait pas exactement comment  l’influence de ce style a réussi à être transmise aux américains, mais il sait tout comme moi le reconnaître dans le corps d’un cavalier! 

Et là, c’est un déclic qui va changer le monde américain : on voit le coach de Joe Fargo et Kathy Kusner, Jane Pillow, transmettre le tact, la jambe tranquille et le brillant de l’équitation française. Mais c’est Gordon Wright qui, en tradition vaquero, place une transmission directe par l’exemple et non par l’écrit, et influence une génération de cavaliers avec la légèreté française interprétée par l’aisance américaine.
Ses élèves Cappy Smith et Victor Hugo-Vidal ont des rôles importants à jouer pour répandre cette équitation. Un des grands coaches de ces années fut le fils de James Fillis, Henri Fillis, installé à Greenwhich, Connecticut, dont l’élève célèbre fut Gladys Buske. Cavalière émérite et surdouée, ses chevaux montraient une mise en main parfaite et une légèreté  remarquable! C’est Victor Hugo-Vidal, le professeur de George Morris, qui amène cette tradition jusque dans notre équipe. Il est aussi le professeur de Phyllis Field qui reconnaît cet amalgalme dans un maître de dressage et le met en vedette aux États Unis en 1979, il s’agit bien sûr du Maître Oliveira. Il faut citer aussi notre très grand champion Bill Steinkraus qui fut un amoureux de la manière française, en particulier du style d’un certain commandant Pierre Durand.

Le monde hunter garde les principes des consignes de Fort Riley rigoureusement pas de martingales, filet simple et la basse école aisée avec changement de pied facile. Les meilleurs cavaliers sont influencés par le style français mais sans en avoir conscience car rien n’est transmit par écrit et ils montent leurs chevaux « by the seat of the pants », qu’on peut traduire littéralement par « avec l’instinct de leur derrière ». Il n’y a pas de théorie définie, sauf le placer de l’encolure qui sert au moment juste. 
Entre en piste monsieur Le Goff qui, avec l’aide du colonel Howley, développe des contacts et devient notre premier chef d’équipe et coach vers la médaille d’or. Grâce à lui, la plus glorieuse ère du complet américain suivra. 

Absolument rigoureux sur la préparation des chevaux et obsédé par les soins, Le Goff déclenche une cascade de partenariats entre cavaliers et chevaux, à commencer par Bruce Davidson et Mike Plumb, et en terminant avec Tad Coffin et Kim Walnes. Il crée un centre d’entraînement national et gère le tout, il trouve des mécènes pour acheter des chevaux aux cavaliers en formation, il exige que les cavaliers soient capables defaire progresser leur propre monture, pas de chevaux déjà mis, et finalement son vrai legs n’est pas juste les médailles d’or de l’équipe : il entame un système d’essai et de sélection qui permet à un grand nombre de cavaliers de développer les formules nécessaires pour être utiles comme membres de l’équipe, une assistance qui a formé pendant 15 ans des professionnels avisés capables d’aider le niveau des amateurs. Il nous a donné l’exemple d’un coach qui reconnaît le talent le plus tôt possible ainsi que la motivation au travail, en se focalisant pour générer un énorme choix sélectif pour l’équipe.

Par contre son intransigeance militaire et son jeu psychologique ont parfois nuit à l’esprit de l’équipe. Car il était  connu pour énerver fortement Bruce Davidson juste avant le départ, pour forcer le maximum d’effort possible. 

Ces caractéristiques ont eu pour résultat final une révolte des cavaliers qui voulaient avoir plus d’indépendance avec leur chevaux et il y a eu une répétition de la rébellion de Boston où les Américains avaient jeté le thé anglais à l’eau : l’équipe américaine a jeté son chef d’équipe dans le gué, ce qui mit un point final à la carrière de ce merveilleux coach et c’est très regrettable car notre équipe n’a jamais eu une performance égalant les 20 ans sous sa tutelle.

C’est à ce moment que George Morris perçoit l’affaiblissement de l’influence française : c’était au Grand Prix d’Aachen, m’a-t-il dit, que les Français ont été écrasés par le bulldozer allemand et je cite George : « Les Français sont partis déjeuner et ont abandonné la lutte pour l’ascendance de leur style ! » Il en est toujours fâché, par contre nous en avons conservé une trace grâce à Patricia Galvin et Karen Mackintosh, trace qui se perpétue à travers Michael Matz, Bill Steinkraus et leurs élèves.
Et voici finalement le moment d’évoquer le peu d’influence française en compétition de dressage aux États Unis. Ce sport s’établit péniblement en 68 car les Américains voient les reprises imposées comme une fichue corvée ! Seule une image enthousiasme même le monde du jumping, celle de M. le Rolland sur Cramique. Je peux le confirmer personnellement car c’est en apercevant ce couple au Polo de Bagatelle à cinq ans et en regardant leur complicité élégante que je me suis dis que le dressage était beau finalement! 

Il y a aussi le major Bork, un bauchériste très militaire assez effrayant et le major Budecai, styliste hongrois influencé par l’équitation française. Deux professeurs français, messieurs Saint-Fort Paillard et Froissard, donnent des stages pour les cavaliers de sport et produisent des écrits simples et bons qui aident les américains à accepter l’étude de la théorie du dressage. 

Mais la décision de la nouvelle fédération est de favoriser l’équitation « gagnante », une décision qui écartera finalement les pur-sangs américains des terrains de concours. La seule présence latine se fait sentir à travers Pops Konyot, cavalier de cirque, élève de mestre Miranda et Chuck Grant, lui aussi cavalier de spectacle qui a appris le « bauchérisme cowboy » de Fort Riley et le grand-père professeur Karl Mikolka qui fonde l’école du Temple Lipizaner Farm et forme George Williams.

En 1977, Mme Phyllis Field fait construire le nouveau manège du Maître Oliveira à Avessada et finance des chevaux d’école éduqués . Tout en faisant construire un manège au Maryland,  elle crée des bourses pour attirer des cavaliers car le Maître était si peu connu qu’une cavalière m’a posé des questions sur ce cavalier espagnol tauromachique! Elle doit payer des places aux cavaliers professionnels pour remplir les stages, elle importe plusieurs chevaux dressés par le Maître et commence la formation de trois cavalières destinées à essayer de prendre place sur la jeune équipe de dressage, deux l’ont fait (l’une est la petite fille de Pops Konyot et a réussi à Londres ), la troisième a refusé et est restée étudier avec Maître Oliveira par conviction que l’expression de tradition française améliore la qualité de ses rapports avec les chevaux. Plusieurs de ces élèves furent juges de dressage au niveau international et, après que le Maître ait cessé ses visites outre-Atlantique, elles répandent tranquillement leurs connaissances et créent une éducation alternative, basée sur les connaissances partagées par lui. Trente ans après, je trouve encore ces traces à travers des adhérents très enthousiastes de cette méthode.

Malgré une campagne de relations publiques et la publication de livres, il y a chez nous peu d’intérêt pour le système français en compétition de dressage, car il ne gagne pas. Pire, il est représenté par une cavalière allemande avec un cheval allemand et un style de coaching allemand… Donc l’intérêt pour le style français est en décroissance rapide et l’esprit américain va se servir directement du système allemand puisque même les Français l’utilisent. 

Mais, grâce à la porte entrouverte par Mme Field dans les magazines équestres, une série de cavaliers français vont être publiés par Major Budecai dans Dressage & Combined Training. Notamment Jean-Luc Cornille et Jean-Claude Racinet qui montrent aux américains les bénéfices de la chiropractie équine. 
M. Lemaire de Ruffieu donne une aide précieuse à Sally Swift et transmet dans un petit livre des principes de base pour les amateurs, très clairement et simplement.

  1. Le Rolland nous a fait grâce de quelques stages (je m’y suis précipitée!) mais il ne sont guère remplis, puis Joao Oliveira tente, mais échoue, à influencer plus que les amateurs avec les ibériques. Nous recevons la visite du colonel Carde pour des stages et un symposium avec Balkenhol, notre chef d’équipe, qui fut bien reçu mais, sans cavaliers français en vedette dans les terrains de concours américains, il n’ont a pas beaucoup d’impact. 

M. Alain François se présente en Floride en Grand Prix, calme, fluide, sans stress, mais le style est opposé à l’idée prévalente qu’il faut percevoir un stress physique pour être convaincu que le cheval pousse le maximum hors de lui-même. 

Des tentatives récentes pour ranimer l’intérêt du style français ont été remarquées avec indulgence par les mécènes de concours qui ne comprennent pas qu’il y a un style français! Surtout maintenant que les cavaliers espagnols ont aussi épousé ou la mode hollandaise ou la mode allemande !

Les frères Dorrance avaient pris contact avec les principes du Maître Oliveira et un pont d’influence française est bâti à l’intérieur du pays à travers les stages pour amateurs. Racinet, lui, prend une voie à la fois de soutien et d’accusation contre son patrimoine. La perception américaine est qu’il y a un vieux style français, bon et efficace, mais que ce qui est prêché maintenant ne suffit pas en concours et que les deux méthodes françaises ne s’accordent plus, sauf dans l’exemple de Tom Dorrance et du Maître Oliveira .
Il règne un silence de mort en dressage et en obstacle sur l’influence française, ce n’est même plus la peine de la mentionner. 

Les cavaliers américains indépendants qui croient en cette voie doivent tenir le choc pour gagner leur vie, je cite là Dominique Barbier comme héros, car son livre est le seul exemple de pensée française publié qui devrait tracer un sillon durable aux États-Unis ! Il parle de tact, il parle du bien-être mental du cheval et non pas de la gagne, et il réussit à intéresser les amateurs.

Et Saumur et ses principes équestres aux États Unis? On en parle très peu aujourd’hui.
Récemment il y a du renouveau. M. Lemaire de Ruffieu invite en stage en Floride M. Guntz pour faire goûter à une nouvelle génération les principes français. M. Maurel, ici présent, agit consciencieusement en tant que juge international et insiste à travers ses jugements sur la rondeur, l’exactitude des aides et l’expression plus légère. Il a fait preuve d’un courage exemplaire car les cavaliers américains peuvent mettre le spectre du boycott sur les organisateurs ! 

A travers les écrits de Tom Dorrance et du Maître Oliveira, une connexion de cavaliers amateurs entrouvre des portes en 2003 et un renouveau commence à se manifester dans l’équitation de tradition latine . Des écuyers espagnols et portugais réapparaissent aux États-Unis, certains axés sur l’équitation de concours, d’autres sur la légèreté et l’expression latine. Un échange se développe entre écoles, M. Karl nous offre la sienne, l’école de Saumur fait appel à nos cavaliers encore ancrés dans le style et présentant au grand public américain un look différent. 

Nous avons pu écouter le colonel Teisserenc en Floride s’exprimer sur la nouvelle théorie équestre de Saumur et M. Chéret travaille en concours et a des élèves qui sortent dans le monde du sport américain .
Des petits pas en avant pour signaler que nous sommes encore là et croyants ! C’est le petit village gaulois qui résiste encore à l’envahisseur! 

Mais voilà le problème : il faut convaincre que le style français existe, on le voit si clairement dans votre équipe de complet ! Il est là dans le naturel des cavaliers, dans la sobriété des aides. Finalement, pousser les chevaux si loin dans le sport fait que l’on oublie de maintenir leur vie naturelle de cheval et que l’on retire le pétillant qu’il y a dans leurs yeux et le brillant qu’ils nous offrent sous la selle. 
Ça c’est l’expression de tradition française dont on se souvient du passé et que l’on recherche de nouveau aux États-Unis. 

Pour terminer, j’aimerais citer ces paroles de notre champion olympique Bill Steinkraus « …nous ne devons jamais oublier, chaque fois que l’on s’assoit sur un cheval, l’extraordinaire privilège qui nous est donné : être capable d’unir son corps avec celui d’un autre être sensible, un être de loin plus fort, plus rapide et plus agile que nous, un être exceptionnellement capable de pardonner… »

Bibliographie

Riding with George P. Smucker

War Horse, P. Livingston and E Roberts 

The American Jumping Style, George Morris 

Horsemanship through feel, W. Dorrance 

Horses came first, second and last, Jack Le Goff

Conquerors, Dr D Bennett 

Manual of principles of the U S Cavalry attached to  Fort  Riley

Escuela de a caballo, Rodriguez Jordan 

Photos pour la conference:

BD France speech photos PDF pg 1 (1) BD France speech photos Speech photos page 2 BD France speech photos PDF pg 3